A l’Hôtel Raphael, une romance cinq étoiles

C’est une France rêvée par les Américains. Un pays où tout est beau et ancien, qu’on visite depuis un cocon. Ce refuge, où s’est caché Jack, c’est l’Hotel Chevalier, à Paris. Tout, dans la chambre, est molletonné, chaleureux, réconfortant comme le peignoir qu’il a endossé. Il se nourrit de grilled cheese sandwiches, ceux qu’on trouve dans les restaurants chez lui, alors qu’il est dans la contrée des croque-monsieur.
Mais la mélancolie est là. Il a voulu fuir une femme, Rhett, qui l’a retrouvé. Elle entre dans la chambre, utilise sa brosse à dents. Ils discutent, s’allongent sur le lit, s’embrassent. Et puis ils vont sur le balcon, observent la vue sur Paris, accompagnés par une chanson des années 1960, Where Do You Go to (My Lovely), de Peter Sarstedt. A l’Hotel Chevalier, il ne se passe pas grand-chose, ou beaucoup de choses, selon la manière de voir. La seconde option, c’est celle d’une histoire d’amour qui s’achève ou qui recommence.
L’Hotel Chevalier, c’est l’Hôtel Raphael, avenue Kléber, à Paris, près de l’Arc de triomphe. Un établissement cinq étoiles, moins connu du grand public que le Ritz ou le Plaza Athénée, et adoré par ses habitués pour sa discrétion et un luxe à rebours de tout esprit tape-à-l’œil. Ce qui n’entame en rien son pouvoir d’attraction. Audrey Hepburn y logeait quand elle tournait à Paris, le couple Katharine Hepburn-Spencer Tracy y a été aperçu publiquement pour la première fois, Robert De Niro aurait tellement aimé les lieux qu’il a nommé l’un de ses fils Raphael. Nicole Garcia y a tourné des scènes de Place Vendôme (1998).
C’est là qu’au milieu des années 2000 Wes Anderson passe deux jours et demi avec Jason Schwartzman, Natalie Portman et son équipe. « Hotel Chevalier est un film d’étudiant », s’amusera-t-il par la suite. Le récit en treize minutes de cette histoire d’amour devait être un simple court-métrage autofinancé. Mais Wes Anderson travaille alors à l’écriture d’A bord du Darjeeling Limited, l’histoire de trois frères qui partent en Inde à la recherche de leur mère. Le personnage de Jack ressemble beaucoup à un membre de la fratrie et le cinéaste décide de faire d’Hotel Chevalier un prélude.
Il sera donc présenté en prologue lors de la première d’A bord du Darjeeling Limited à la Mostra de Venise en 2007. Dans la foulée, il sera librement téléchargeable sur l’Apple Store pendant un mois : cinq cent mille personnes le regarderont sur leur ­ordinateur. Et des millions le verront en salle. Pour autant, le Raphael n’a pas été assailli de fans en pèlerinage. Le charme des lieux est intact, hors du temps. Comme les films de Wes Anderson.
Hôtel Raphael, 17, avenue Kléber, Paris 16e.
Clément Ghys
Contribuer